Celle qui ne se départait pas de son éternel chapeau, vient de rendre l’âme. Geneviève de Fontenay vient de tirer sa révérence et pourtant on l’a croyait tous éternelle. J’ai été touché par ce départ qui laisse orphelin toutes les personnes aimant les concours comme des dizaines de miss qu’elle a forgé au cours des 60 années qu’elle a passé à la tête des concours de beauté.
Née Geneviève Mullman, en Lorraine, cet aînée d’une fratrie de dix enfants a vécu une enfance sans histoire avant de monter à Paris pour suivre des cours d’esthétique après un essai dans des études d’hôtellerie qui ne l’ont pas enthousiasmée ni convaincue.
Pour elle, les concours de beauté sont aussi synonyme d’amour, puisque c’est sur l’un d’eux qu’elle fera la rencontre de sa vie. En 1952, lors de l’élection de Miss Carnac, elle croise celui qui deviendra l’amour de sa vie, Louis Poirot, dit de Fontenay (son nom de résistant). Ils ne se marieront jamais et auront deux enfants (Ludovic et Xavier). Ensemble, ils donneront ses lettres de noblesse au concours Miss France.
Auprès de son compagnon de vingt-quatre ans son aîné, elle devient, dès 1954, secrétaire du comité Miss France et endosse de multiples rôles, chauffeuse, intendante, répétitrice, costumière, tandis que Louis de Fontenay s’occupe de la communication et de la présentation de l’élection. Ils sillonnent ensemble la France pendant plus de vingt-cinq ans pour organiser élections et galas en région, arpentant à bord de leur DS les routes et les terroirs de France.
A la mort de Louis de Fontenay, en 1981, Geneviève reprendra seule les rênes du comité Miss France et demandera à son fils Xavier,de venir la seconder en tant que directeur de la société Miss France. En VRP des Miss France, Geneviève de Fontenay reprendra la route chaque saison, parcourant plus de 30 000 kilomètres en traversant cette France qu’elle aime tant pour « la tradition, les cultivateurs et les gens simples ».
Cette petite entreprise met longtemps à être rentable, mais le soir du réveillon du Jour de l’an 1986, ce show régional un peu désuet connaît une médiatisation sans précédent quand le présentateur Guy Lux décide de programmer en direct sur FR3 l’élection de Miss France. Le succès est immédiat et sera retransmis en prime time sur TF1 à partir de 1995. Un rendez-vous télévisuel plébiscité chaque année par les Français avec des audiences pouvant fédérer de 12 millions à 15 millions de téléspectateurs.
Son fils Xavier décide, en 2002, de faire une opération lucrative en vendant la société Miss France à la société de production Endemol, tout en conservant Geneviève de Fontenay comme présidente du comité Miss France,
De profonds désaccords éthiques surgissent entre la présidente à vie et la société Endemol. Classicisme empreint de valeurs traditionnelles d’un côté contre velléités de modernisme de l’autre – le bikini remplaçant le légendaire maillot de bain une pièce. Or, avec la marque Miss France, « on est dans cette France profonde des provinces qui fait contrepoids à toute cette France débraillée », se plaît à répéter celle que l’on surnomme la « Dame au chapeau ».
Excédée de ne plus être entendue pour les nouveaux propriétaires et ne voulant pas être associée à une image qu’elle ne cautionne plus, la« Miss des Miss » a claqué la porte du concours pour divergences de vues et éthiques en 2011, déclenchant une guerre judiciaire avec Endemol, ce qui ne l’empecha pas de lancer un concours dissident, Miss National, rebaptisé « Miss Prestige national » après une décision de justice.
Lors de mon unique rencontre avec Geneviève de Fontenay, j’ai été frappée par sa passion pour les concours à qui elle consacra sa vie. Ses miss étaient comme ses enfants et elle se montrait intransigeante sur leurs bonnes manières comme sur l’élégance qui allait jusqu’à savoir correctement coordonner son sac à main avec ses chaussures.
D’ailleurs, contrairement à d’autres ambassadrices de la mode française qui estiment que le chic et le bon goût passent par un renouvellement constant des tenues, Geneviève de Fontenay possédait un unique style de chapeau dont elle ne changeait jamais en représentation. Il constituait sa marque de fabrique et lui a valu le surnom de « la Dame au Chapeau ».
Le style de ses tenues assorties, noires et blanches, était très limité et restait inchangé depuis 1957, année où il est devenu à la mode, même lors des finales de Miss France, où on ne l’a jamais vu en robe de soirée.
Alors que les temps ont changé, que les associations de féministes ont plusieurs fois fait entendre leur opposition à des concours mettant en avant le physique des jeunes femmes, Geneviève de Fontenay a continué à être plébiscitée par les média, friand de ces petits phrases, mais également par les gens qui l’aimaient réellement. Sous ses allures bourgeoises, elle ne cesse de dénoncer avec son franc-parler les injustices sociales en revendiquant sa filiation de gauche et son engagement auprès des petites gens qui symbolisent à ses yeux la France qu’elle aime, la France populaire.
A 83 ans, elle décide de tirer sa révérence lors de la cinquième édition de Miss Prestige national 2016, ayant œuvré pendant plus de soixante ans à promouvoir sa vision conservatrice de l’élégance à la française.
Elle restera à jamais dans l’histoire de la pageantry, ainsi que de nos cœurs. Je suis convaincue qu’elle est déjà en train d’organiser au paradis un concours de miss avec les anges et Saint Pierre.
Bon voyage Geneviève et merci pour tout ce que vous nous avez apportés, vous allez nous manquer.